COURRIER

Date Lille le 10 juillet 2002
Destinataire Madame Roselyne BACHELOT-NARQUIN, Ministre de l'Ecologie et du Développement durable

                     Madame la Ministre,

       
Depuis sa création en 1995 à l'initiative de Messieurs Jacques PELISSARD, Yves PIETRASANTA et de moi-même, le Cercle National du Recyclage s'attache à promouvoir, au sein d'un schéma multi-filières, les modes d'élimination des déchets appropriés à la réalisation d'objectifs de valorisation élevés.

        Traduction concrète des principes du développement durable, la collecte sélective, le tri et le recyclage participent efficacement à la protection de l'environnement et constituent la solution de gestion des déchets la plus conforme aux attentes et aux intérêts de nos concitoyens.

        Avec pour ambition de contribuer à une modernisation satisfaisante des conditions de collecte et de traitement des déchets municipaux, le Cercle National du Recyclage n'a de cesse d'apporter une information fiable et objective aux élus en charge des déchets et aussi de défendre l'intérêt général en participant aux nombreuses discussions et débats préalables aux prises de décisions.

        Quelques semaines après votre nomination, j'ai le plaisir de vous adresser sous ce pli différents documents de présentation de notre association qui vous permettront de mieux appréhender nos missions et nos actions.

        Au-delà de cette présentation succincte du Cercle National du Recyclage, l'objet de ce courrier est de vous faire part de nos observations et propositions émises après avoir pris connaissance du communiqué de presse en date du 22 juin et de votre circulaire adressée aux préfets des départements relative à l'échéance du 1er juillet 2002.

        Comme vous le rappelez, une des orientations de la loi du 13 juillet 1992 était de favoriser l'émergence de filières de collecte et de traitement des déchets qui, en fonction de leur nature constitutive, permettrait une augmentation de leur valorisation et, par voie de conséquence, une limitation des volumes mis en décharge. Pour traduire cette ambition, le législateur a fixé comme objectif au 1er juillet 2002 de limiter la mise en décharge aux seuls déchets ultimes.

        Notons au passage que cette loi a été adoptée à l'unanimité pour être confirmée tant dans son objet que dans ses objectifs en 1997. Il convient aujourd'hui de faire un rapide bilan de son application. Sans prétendre à l'exhaustivité, je pense légitime de considérer l'approche multi-filières, la mise aux normes de bon nombre d'installations de traitement et la mise en place d'un financement partiel de l'élimination des déchets d'emballages ménagers comme des progrès notables. Pour autant, la mesure de ces avancées toutes relatives ne saurait se faire en utilisant le seul critère de la population desservie par une collecte sélective des déchets d'emballages ménagers. Des points négatifs subsistent comme l'échec de la prévention, l'absence de développement satisfaisant de la filière organique, le flou de la définition juridique et du périmètre du service public d'élimination des déchets, la trop faible part de financement issue d'une traduction concrète du principe pollueur-payeur, etc.

        Au final, on constate que les volumes de déchets destinés au stockage sont quasi-constants depuis 10 ans et que toujours près de 50 % en poids des déchets municipaux sont éliminés en décharge. Cela revient donc à conclure que l'objectif principal de la loi de 1992 n'a pas été atteint. Il est bien évident que nous ne pouvons nous satisfaire de cette situation et qu'il demeure indispensable de maintenir une dynamique forte de modernisation de la gestion des déchets.

        C'est dans ce contexte qu'à quelques jours de l'échéance du 1er juillet 2002, vous vous adressez aux préfets pour leur demander « d'éviter toute décision administrative d'interdiction de mise en décharge de tel ou tel déchet fondée sur le non-respect de l'article L541-24 alinéa 2 du Code de l'Environnement ». Il s'ouvre ainsi une période de transition qui doit être mise à profit pour déterminer les éventuelles adaptations du contexte législatif et réglementaire de l'élimination des déchets municipaux.

        Dans cette perspective, le Cercle National du Recyclage vous transmet ci-dessous ses différents souhaits :

1/ maintenir l'objectif et l'échéance du 1er juillet 2002

Dans le principe, l'interdiction de mise en décharge des déchets non-ultimes doit être confirmée pour justifier les efforts déjà entrepris par la plupart des collectivités locales et aussi par certains opérateurs. En aucun cas, il ne doit y avoir de « primes » aux retardataires et, en cas d'infractions avérées, l'Etat ne doit pas renoncer à exercer son pouvoir de police selon des modalités qui restent à définir. Pour les membres de notre association, il ne saurait être question de reporter ou de supprimer l'échéance mentionnée dans la loi du 13 juillet 1992.

2/ établir un système de différenciation financière

Pour éviter de laisser à penser que certaines collectivités ont eu raison de ne rien faire ou de se limiter aux strictes adaptations permettant de bénéficier du taux réduit de TVA, nous suggérons l'établissement d'une discrimination tarifaire tant pour les aides à l'investissement en provenance de l'ADEME que pour la taxe sur la mise en décharge.

a/ les aides à l'investissement de l'ADEME doivent être prolongées.
De fait, elles représentent souvent un apport déterminant dans le budget des collectivités et facilitent le passage à l'acte. Toutefois, leur taux pourrait être revu à la baisse, éventuellement en deux étapes qui prendront en compte la période transitoire annoncée. En effet, l'échéance du 1er juillet 2002 est connue depuis plusieurs années et les collectivités qui n'ont engagé aucun projet auraient aujourd'hui beau jeu de faire valoir l'imminence d'investissements pour prétendre à l'obtention d'aides au taux nominal.

b/ la taxe de mise en décharge doit être augmentée.
Considérant le fort impact de la sanction financière, le Cercle National du Recyclage recommande une augmentation de la composante taxe sur la mise en décharge de la TGAP. Un taux différencié selon la nature « ultime » du déchet peut aussi être envisagé avec une sur-taxation du déchet non-ultime s'il devait être accepté en centre de stockage.

3/ préciser les critères d'acceptation des déchets en décharge

Pour rendre opérante la définition du déchet ultime, il demeure indispensable de préciser les critères retenus pour qualifier le déchet susceptible d'être stocké. La question du périmètre géographique de validité de ces critères doit elle aussi être posée pour tenter de concilier les contraintes juridiques et les réalités de terrain. Ainsi même si l'échelon de planification est le département, on s'aperçoit dans de nombreux cas que cela ne permet pas une organisation optimisée de l'élimination des déchets. Par ailleurs, il existe des critères qui à défaut d'être suffisants nous paraissent déterminants pour la qualification finale du déchet. C'est ainsi que dans une première approche les refus de tri, les refus issus du traitement biologique, les REFIOM et les déchets résiduels après collecte sélective des déchets d'emballages ménagers, des journaux-magazines, des déchets organiques et des différents déchets pour lesquels une filière spécifique existe, peuvent être considérés comme ultimes. Il est ici important de noter que ce n'est pas le passage par une installation de traitement qui détermine le caractère ultime. Enfin, dans le cadre réglementaire actuel, c'est aux commissions départementales d'élaboration ou de révision du plan départemental d'élimination des déchets ménagers et assimilés qu'il revient d'apporter les corrections et adaptations locales à la définition du déchet ultime.

4/ associer le Conseil National des Déchets à la réflexion

En tant que membre du Conseil National des Déchets au titre de représentant de l'Association des Maires de France, je revendique une association étroite de cette instance dans toutes les discussions et réflexions préparatoires des décisions que vous serez amenée à prendre ou des éventuelles adaptations législatives et réglementaires. A tout le moins, durant les mois à venir, en application de l'article 1er du décret n° 2001-594 du 5 juillet 2001, le Conseil National des Déchets devra être consulté quant aux différents sujets recensés ci-dessus

        Pour le Cercle National du Recyclage d'autres pistes méritent aussi d'être explorées pour assurer le maintien d'une forte dynamique de modernisation de la gestion des déchets :

- l'optimisation technico-économique des dispositifs de collecte sélective et de tri des déchets au vue de leur valorisation ;
- l'augmentation de la part de financement du service public d'élimination des déchets (journaux gratuits, déchets d'équipements électriques et électroniques, etc.) en provenance du consommateur par contribution au moment de l'achat ;
- l'ouverture des marchés des matières recyclables mobilisées par les collectivités locales ;
- la relance de la politique nationale de valorisation.

        Afin de pouvoir vous présenter plus en détails, les différents arguments qui fondent nos propositions et prises de position, j'ai l'honneur de solliciter un rendez-vous au cours duquel je serais heureux d'être le porte-parole des membres de notre association.

        Voulant croire en votre aimable bienveillance et dans l'attente de connaître les suites réservées à ma demande, je vous prie de croire, Madame la Ministre , en l'assurance de ma profonde considération et de mes sentiments dévoués.

Paul DEFFONTAINE
Président
Mairie de Willems
Vice-Président de
Lille Métropole Communauté Urbaine